DIRE NON ET GARDER LE LIEN

Cet été comme tous les étés, je suis allée passer un mois auprès de ma famille, dans ma terre d’origine, au sud de la Tunisie.

Je tiens beaucoup à ce séjour qui me permet de me ressourcer, de cultiver mes liens avec ma famille, de savourer des moments précieux de partage et de solidarité. L’esprit familial et communautaire nourrissent en moi le sentiment d’appartenance.

Et pourtant, je me rends parfois compte à quel point il m’est difficile de prendre soin de mes besoins personnels. En effet, dans le mode de vie de ma communauté, les besoins du collectif (appartenance, partages et traditions)  priment souvent sur ceux de l’individu, à tel point que par moments j’ai l’impression de cesser d’exister en tant que personne et de ne jamais être écoutée en tant que telle, mais uniquement en tant que membre d’un groupe.

Dans ce contexte communautaire, dire non m’avait toujours été très difficile.

Pour vous donner un exemple concret, j’aimerais vous parler de mon père.

Mon père a aujourd’hui 81 ans. Comme beaucoup de personnes dans ma communauté – et peut-être même plus que d’autres –, il sait donner des ordres, ce qui tient en partie au fait qu’en tant qu’entrepreneur, il a passé une grande partie de sa vie à diriger des entreprises et des êtres humains.

Je crois ne l’avoir jamais entendu formuler une demande à mon égard sous forme de question ; il m’a toujours donné des ordres et continue de le faire. 

L’âge et la maladie l’ont rendu plus vulnérable, mais il n’a pas perdu cette habitude de donner des ordres, ni son attitude dirigiste et autoritaire au sein de notre famille.

Je dis cela avec beaucoup de tendresse, car je connais bien mon père et notre relation est également empreinte d’une grande complicité.

Dans le temps, et encore tout récemment, je n’osais pas dire non à mon père lorsqu’il formulait des demandes à mon égard, sous forme d’ordres, bien évidemment.

Cette difficulté venait en grande partie de mes croyances. Inconsciemment, j’avais toujours identifié un ‘non’ avec un manque de respect, une manière de ne pas honorer la relation.

Aujourd’hui, j’ai pu prendre conscience de cette croyance et me rendre compte que je confondais parfois respect et peur de l’autre. Il m’arrivait aussi de confondre respect de l’autre et ma peur d’être rejetée ou de perdre son amour.

Je suis profondément reconnaissante d’avoir appris à refuser certaines demandes de mon père, et j’aimerais à présent partager avec vous quelques clés qui m’ont aidée à oser dire non sans perdre le lien, en espérant qu’elles puissent vous être utiles…

1re clé : avant de dire non (ou oui), prenez le temps d’aller consulter votre sagesse intérieure

Essayez de voir également à quoi vous dites véritablement oui (ou non). Et si quelque chose en vous résiste, que vous manquez d’élan pour dire ce ‘oui’, alors il est fort probable que ce ‘oui’ ne soit pas en accord parfait avec vos aspirations profondes. Prenez le temps de vous relier à elles et écoutez votre sagesse intérieure, jusqu’à ce que la réponse se manifeste dans toute son évidence. Vous agirez alors à partir de votre sagesse intérieure et vous ne serez plus ni victime, ni en réaction.

Si vous vous surprenez à répondre sous l’impulsion de la peur ou de la culpabilité, voyez-le comme un signal d’alarme : la relation risque d’en souffrir. Alors la prochaine fois, essayez d’aller écouter ce que vous dira votre sagesse intérieure. 

2e clé : prenez le temps d’écouter ce que l’autre veut vraiment

Lorsque l’autre formule une demande à notre égard, elle vise à satisfaire une aspiration, une valeur, un besoin. Essayez de distinguer l’intention qui motive la demande et de l’accueillir avec bienveillance. Vous parviendrez alors à une clarté intérieure qui vous permettra soit de dire vraiment oui, soit d’amorcer avec l’autre un dialogue qui tiendra compte à la fois de vos besoins et des siens.

3e clé : pratiquez la respiration consciente lorsque vous êtes en relation 

Quand nous agissons dans la précipitation, nous oublions souvent cet espace où nous sommes en lien avec l’autre (espace relationnel) et avec nous-mêmes, si bien que nous répondons soit oui (alors qu’en nous quelque chose, voire tout, dit non), soit non, mais avec de la colère. Si vous souhaitez y remédier, vous pouvez par exemple essayer de respirer trois fois de suite en y mettant toute votre attention, en étant totalement présent à ce souffle qui vous traverse. Un espace posé se déploiera où vous pourrez mieux entrer en relation avec l’autre et avoir véritablement le choix de ce que vous aimeriez dire et faire.

4e clé : ne vous laissez pas frustrer par la frustration de l’autre

Dans une situation donnée, si vous sentez clairement que la réponse juste pour vous consiste à dire non (et ainsi refuser la demande qui vous a été faite), il arrivera souvent que cela ne plaise pas à l’autre, surtout s’il n’a pas l’habitude des refus. A ce moment-là, n’essayez pas de l’éduquer, contentez-vous d’accepter sa frustration et de l’accueillir avec la plus grande bienveillance possible.

Ma pratique de la Communication NonViolente, en particulier l’écoute de soi et l’empathie envers soi, et celle de la pleine conscience (en anglais mindfulness) m’ont été d’un immense soutien pour parvenir à me positionner et oser dire non face à une demande ou même un ordre.

Et vous ? Avez-vous parfois envie de dire non tout en restant en lien avec vos proches ou avec vos collègues ?